Pratique : que doit faire un gérant face à une mise en demeure de l’URSSAF ?
Quel est le chef d'entreprise qui peut s'enorgueillir de n'avoir jamais reçu de l’URSSAF une mise en demeure ? Autant le dire tout de go, les URSSAF ont la mise en demeure facile, la philosophie de ces organismes pouvant être ainsi résumée : d'abord on envoie une mise en demeure, ensuite on s'explique !
L’importance d’une mise en demeure
Est-ce à dire que devant un tel document le cotisant est dépouillé de ses droits ? Certainement pas ! Certes, la mise en demeure n’est pas un acte de procédure ; selon la jurisprudence, elle n’est qu’ « une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti » (Cass soc. 19 mars 1992). Mais, dans le même temps, elle doit être considérée comme une « décision de recouvrement » (Cass civ.2°. 14 février 2019), ce qui impose, pour les organismes, un formalisme particulier.
Qui plus est, on rappellera que c’est à partir de la mise en demeure que vont naître les options du cotisant : intenter un contentieux devant la commission de recours amiable de l’organisme, solliciter une réduction des majorations de retard, demander des délais de paiement, ne rien faire… C’est aussi à partir de l’envoi de cette mise en demeure que seront calculées les prescriptions (prescription des cotisations : 3 ans à compter de la fin de l'année civile au titre de laquelle les cotisations sont dues ou, pour les travailleurs indépendants, à compter du 30 juin de l'année suivant l'année au titre de laquelle elles sont dues (Code de la sécurité sociale : art. L 244-3 et L 244-11 du code de la sécurité sociale), prescription du recouvrement : 3 ans à compter de l'expiration du délai imparti par les mises en demeure pour régulariser la situation (art. L 244-8-1 et L 244-11 du code de la sécurité sociale)
Une rapide étude du document permettra de s’en faire une première idée. Un homme averti en vaut deux.
Les questions à la réception d’une mise en demeure
Ces constatations étant posées, tout dirigeant qui reçoit une mise en demeure dans sa boîte aux lettres doit se poser six questions :
1° question : la mise en demeure a-t-elle été envoyée par LRAR ?
En effet, en l’absence d’envoi par LRAR, l’URSSAF ne pourra avoir la preuve de l’envoi du document. Toute contrainte postérieure fondée sur l’absence de règlement des sommes figurant sur la mise en demeure serait nulle. Il suffirait alors au cotisant de faire opposition à ladite contrainte devant le Tribunal et d’invoquer l’argument.
2ème question : la mise en demeure a-t-elle été envoyée à la bonne adresse ?
S’agissant d’une personne morale (société, association…) la mise en demeure sera adressée au représentant légal et envoyé à l'adresse du siège social de l'entreprise. S’il s’agit d’une personne physique, le document sera adressé à son domicile.
3ème question : la mise en demeure comporte t’elle, outre la signature de son auteur, le nom, le prénom, la qualité de l’expéditeur du document ?
Il s’agit ici d’une application de l’article L 212-1 du Code des relations du public avec l’administration (CRPA) suivant lequel « toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ». Rappelons en outre que suivant l’article L 100-3 du CRPA, on entend par « Administration : « les organismes de Sécurité sociale ».
4ème question : le contenu de la mise en demeure est-il satisfaisant ?
Suivant l’article R 244-1 du Code de la sécurité sociale, la mise en demeure doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées, les majorations et pénalités qui s'y appliquent ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. Au cotisant donc d’en vérifier le contenu !
5ème question : le délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation est-il mentionné ?
Suivant l’article L 244-2 du Code de la sécurité sociale, toute action ou poursuite est obligatoirement précédée, par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur « l’invitant à régulariser sa situation dans le mois ». Une mise en demeure délivrée par une URSSAF qui ne mentionne pas ce délai imparti au cotisant pour régulariser sa situation est donc nulle (Cass civ. 2°. 31 mai 2005 – 19 décembre 2019).
6ème question : le montant réclamé est-il correct et les chiffres correspondent-ils à la réalité ?
C’est en fonction de la réponse à ces points de vigilance que le cotisant pourra agir, au besoin pour contester la validité de ce document devant la Commission de Recours Amiable, puis devant le Tribunal. Car, ne rien faire ne constitue pas une solution !
Avecle cabinet TAQUET Avocats
François Taquet, avocat spécialiste en contentieux URSSAF
Nicolas Taquet, Avocat