Un inspecteur URSSAF peut-il récupérer des documents auprès d'un salarié, dans le dos du gérant ?

, mis à jour le 16/11/2025 à 18h50
Image
urssaf

La question mérite d'être posée car dans le cadre de leurs contrôles du gérant, les organismes de recouvrement ont une singulière tendance à user et à abuser de leurs pouvoirs et obtenir des documents  auprès d'un de vos salariés. Il convient donc que le cotisant soit particulièrement vigilant sur le déroulé de la vérification. Un cas de figure décortiqué par les Avocats François et Nicolas Taquet

Partager sur

Une situation fréquente 

La situation est souvent constatée : dans un souci de rentabilité et pour terminer son contrôle plus rapidement, l’inspecteur s’adresse directement au comptable de l’entreprise ou au salarié affecté au contrôle, sans passer par l’intermédiaire du chef d’entreprise. Ce qui lui permettra parfois, dans le cadre d'un contrôle sur place, et avec l’accord tacite du salarié, d’emporter des documents ou de se faire transmettre des pièces par mail afin de traiter le dossier à distance, éventuellement en télétravail. 

C’est oublier cependant que sauf mandat dûment établi, le seul interlocuteur de l’inspecteur est … le cotisant, uniquement représenté par … son représentant légal, c’est-à-dire, dans une entreprise, son dirigeant. 

L’inspecteur URSSAF ne peut s'octroyer des droits émanant d'un simple salarié de l'entreprise. Afin de se débattre, l’URSSAF qui parfois néglige tout formalisme, invoque fréquemment la notion de mandat apparent. Grave erreur qui ne sera d’aucun secours pour l’URSSAF. 

Des conséquences heureuses pour le chef d’entreprise

 En effet, pour les tribunaux, est nul un redressement dès lors qu’un inspecteur du recouvrement a utilisé des documents qui lui ont été transmis par des salariés qui n'avaient pas le pouvoir d'engager l'entreprise (Cass civ. 2°. 11 juillet 2013. n° 12-17939 et 12-17940, Pau. Chambre sociale. 22 février 2024. RG n° 21/04175). 

Récemment, une décision de la Cour de cassation est allée plus loin encore : « les inspecteurs du recouvrement ne sont pas autorisés à solliciter des documents d'un salarié de l'employeur qui n'a pas reçu délégation à cet effet » (Cass civ.2°. 28 septembre 2023. n° 21-21633). Encore faudrait-il que l’URSSAF prouve une délégation expresse.

 La Cour d’appel d’Amiens vient de réitérer récemment cette situation somme toute logique : dès lors que les renseignements pris en compte par l’URSSAF pour opérer le redressement litigieux n’ont pas été obtenus auprès de l’entreprise contrôlée, la procédure de contrôle est irrégulière. Le contrôle étant irrégulier, la lettre d’observations et la mise en demeure décernées sur le fondement des opérations de contrôle, sont elles-mêmes nulles (Amiens.2° protection sociale. 30 septembre 2025. RG 24/00403). Afin de faire échec à cette orientation de la jurisprudence protectrice des droits des cotisants, les URSSAF invitent désormais les inspecteurs à faire signer des mandats par les employeurs afin de désigner un interlocuteur le temps de la vérification. Reste à savoir si la signature de ce mandat est dans l’intérêt du chef d’entreprise ! 

Ne pas confondre cette situation avec un cas de figure voisin !

Ce cas de figure concerne la demande de documents formulée par l’inspecteur à des tiers à l’entreprise (ex : l’expert-comptable, la banque, l’assurance chômage, le service des impôts…hors le cas de travail dissimulé). La tentation est grande pour l'inspecteur de l'organisme de s'adresser directement à un organisme tiers afin d'avancer plus rapidement dans son contrôle. Toutefois, le principe est ici simple : doivent être annulés les redressements effectués sur la base de renseignement sollicités directement auprès de tiers à l'entreprise (Cass civ.2°. 20 mars 2008.pourvoi n° 07-12797). On ne saurait être plus clair !

Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire