Les 2èmes Assises de l’Apprentissage posent les bases
Alors que le bateau France tangue au gré des gouvernement successifs, la Chambre des métiers et de l'Artisanat organisait les 2èmes Assises de l’Apprentissage. L’idée ? Générer des idées pour garantir la « soutenabilité des financements en fonction des besoins du marché du travail tout en appelant au pilotage de la qualité des formations" . Le nouveau ministre Serge Papin aura toutes les pistes pour agir et garantir l'apprentissage dans l'avenir
On sait que l’apprentissage est au cœur du fameux plan de régulation de la qualité de la formation et de la lutte contre les fraudes. En ces temps incertains, aide-toi le ciel t’aidera : c’est un peu l’esprit qui présidait aux 2ème assises de l’apprentissage. Dans l’ensemble tous les acteurs voient la réforme de 2018 comme une massification de l’apprentissage, et une réussite qui a fait exploser le nombre d’apprentis mais avec une série « d’effets de bords » assez néfastes. Pas question de jeter la réforme avec l’eau de ces effets de bords mais bien de se réunir pour proposer au ministre à venir (Ndlr, il a été nommé depuis : Serge Papin) les bons ajustements, discutés entre l’ensemble des parties. Et il est vrai qu’Avenue Marceau, siège du CMA, en ce jeudi 9 octobre, il ne restait plus une place dans l’auditorium. Entre les représentants des chambres consulaires, les CMA départementales, CFA, et autres pros de la formation, il y avait des idées au mètre carré et sur scène des tables rondes pour tout remettre en perspective. Avec force débat, quelques piques de-ci, de-là, on a pas vu la journée passer pour ceux qui ont eu la chance de rester
18 des 20 CAP des centres CMA sont en déséquilibre financier
Tout a commencé avec Joël Fourny, Président des Chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) , « puissance invitante » comme l’a si joliment accueilli Nicolas Lagrange animateur des débats (AEF Info). Un Joël Fourny content de l’affluence et qui a rappelé que la première édition avait dans le passé permis de faire des propositions, « notamment pour revoir certains éléments de financement », en « particulier pour les niveaux 3 et 4 et la prise en compte de la vie chère en Outre-mer, ainsi qu'une bonification pour le présentiel ». Avant même que les débats ne soient lancés, il a proposé des pistes sur la « nécessité de mettre davantage les branches à contribution pour les métiers en tension » , souligné la situation financière délicate : « 18 des 20 CAP des centres CMA sont en déséquilibre financier, ce qui est intenable et menace l'offre de formation sur tout le territoire » et appelé à “un investissement pour l'avenir et à des critères de financement basés sur la qualité » craignant sinon un déclin de l'apprentissage malgré son dynamisme post-2018. En effet, la menace démographique pèse sur l’ensemble du système puisque 210 000 jeunes manquent à l’appel de la natalité en 2010 avec des effets mécaniques qui se font déjà ressentir.
Danielle Deruy, directrice générale d’AEF qui co-organisait l’événement a fait part, elle aussi, de son inquiétude aux lendemains d’un événement que l’AEF organisait en septembre en région parisienne. Ce salon appelé « Jeunes d’Avenir » proposait à des jeunes de quartiers prioritaires de trouver un emploi ou a minima une alternance.
« En une journée, témoigne-t-elle, nous avons accueilli 13 000 jeunes avec une queue jusqu’au métro et malheureusement dix fois moins d’offres… Nombre d’entre eux sont dans des CFA qui leur promettent des contrats en jouant sur les effets d’aubaines de la nouvelle loi, alors que c’est faux et qu’ils seront à la porte soit fin octobre soit fin novembre… ils veulent s’intégrer par le travail et si on les laisse en dehors on sait comment on les retrouvera »
Effets de bords et d'aubaine
Une fois les alarmes sonnées en ce début d’Assises, le programme a débuté en replantant le décor de l’apprentissage avec notamment Stéphane Lembré, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lille qui a rappelé que la taxe d’apprentissage, tout comme les CMA, fêtaient leur centenaire cette année… et que cette idée de faire payer les entreprises pour financer la formation de leurs futures recrues était une spécificité française. Puis il a fait rire l’assemblée en rappelant que tout de même, la très libérale Angleterre avait pris les devants mais avec un système curieux puisqu’elle tenta de financer ses apprentis par une taxe… sur l’alcool. Lors de cette introduction Jean-Pierre Willems , grand spécialiste de la question a déploré la confusion entre contrôle réglementaire, contrôle financier et véritable qualité dans le nouveau système. Le débat suivant qui a fait intervenir Christophe Dore (président de l’Union nationale des entreprises de coiffure), Bertrand Mazeau délégué Fédéral FO Métallurgie, David Derre , directeur emploi formation de l’UIMM et Baptiste Martin, Pdt de l’Association des apprentis de France a permis de rappeler les dérives de la nouvelle loi.
Parmi les effets de bords de la massification 2018, les intervenants ont relevé les parcours rompus et la démotivation de nombreux jeunes qui restent sans solution … les maîtres d'apprentissage non formés face à l’afflux d’apprentis, les apprentis vus comme une "poule aux œufs d'or" par certains CFA peu regardants et qui jouent sur les effets d’aubaine de la loi. Sans oublier les contrôles de qualité aberrants puisque , comme l’explique Christophe Dore, un vieux centre de formation qui a fait ses preuves a moins de chance de bénéficier d’une certification qu’un nouvel établissement ne donnant aucune garantie de qualité. Effet de bords ! On a bien compris que la loi actuelle pour lutter contre les fraudes visait à réguler tout cela … la question de la journée étant de savoir comment.
Et les intervenants ne sont pas tous d’accord avec les solutions : faut-il concentrer els CFA ? Engager plus avant les branches professionnelles ? Les débats se sont poursuivis l’après midi autour du renforcement de la qualité des enseignements et la manière de distinguer, de récompenser les CFA les plus vertueux . Le Président Fourny a conclu les Assises en en « tirant un bilan très positif et en remerciant les intervenants pour la qualité de nos échanges. Je retiens notamment que l’apprentissage doit être considéré comme un investissement sur l’avenir qu’il faut piloter par la qualité et non par les comptabilités et que la réforme à venir du financement de l’apprentissage doit permettre d’encourager et de valoriser cette qualité »
Une idée de Charte a été évoquée, un engagement des CFA et une récompense des plus vertueux. Et le Président d’appeler notre prochain ministre à « nous donner des perspectives tout en garantissant la pérennité de ce modèle » car « Si rien ne bouge dans les prochaines semaines, nous ne serons plus en mesure de former la prochaine génération d’artisans »