Portrait d'artisan : Simon Charbonnier,l'art de battre du métal

, mis à jour le 26/10/2025 à 23h24
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Ils ne sont plus que quelques-uns en France, une quinzaine tout au plus. Les dinandiers dont le travail consiste à battre le métal plutôt tendre (cuivre ,,étain, argent) , un savoir-faire unique qui remonte au Moyen-Age. Nous avons rencontré l’un d’entre eux, Simon Charbonnier, dinandier depuis plus de 40 ans, passionné et heureux de transmettre un art qui menace de disparaître. Au menu cruches en cuivre, baptistères et coupes pour jets de luxe !
 

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Tout est calme dans ce coin de campagne lot-et-garonnaise. Un bâtiment tout simple, noyé dans la brume, c’est là qu’est installé Simon Charbonnier, l’un des derniers dinandiers de France. Le silence règne encore dans son atelier - la journée ne fait que commencer - peuplé d’outils inconnus aux formes incongrues. On y trouve des bigornes, des « tas » (sur lequel le dinandier fait reposer son métal pour le frapper ), une forge, une enclume, un touret à polir et bien-sûr des marteaux. Simon Charbonnier est le maître des lieux. Regard amical derrière ses lunettes rondes et sourire aux lèvres, il raconte son métier. Ses joies - la création, le travail du beau - et ses difficultés - le peu de débouchés qu’il offre. Depuis le temps, il est habitué à la curiosité des visiteurs. C’est qu’on ne croise pas de dinandier tous les jours. Le Moyen-Age, qui vit prospérer la dinanderie, est loin. Il faut bien reprendre l’histoire depuis le début. 

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Le dinandier est un « batteur de métal ». 

Ne vous laissez pas abuser par ce qualificatif un peu rugueux. Rien de rustre dans ce métier dont l’essence même est le travail du cuivre, de l’étain et même de l’argent. Un mélange subtil et original de chaudronnerie, de sculpture et d’orfèvrerie. Toute création du dinandier part d’une feuille de métal, qui est découpée pour ensuite être travaillée au marteau. Des petits, des grands, en acier, en bois, il y en a partout et de toutes les tailles dans l’atelier du dinandier. Bien rangés, sur leur support, qui n’attendent que la main de l’artisan pour faire leur office. La matière est modelée sous leurs coups répétés, chauffée pour reprendre de la souplesse. Peu à peu une forme apparaît. De cette plaque simple et nue, le dinandier crée des objets d’une incroyable complexité. Il joue avec les courbes, les rendus, le toucher, la patine. La finesse des finitions évoque le travail de l’orfèvre.« La dinanderie est quelque chose de presque sensuel, note Simon Charbonnier. Il faut caresser le métal pour déceler la bosse à travailler, saisir le défaut à rectifier. » Une intelligence de la matière que donnent des années d’expérience.

Un métier manuel et … artistique

 

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dinandier fer

Comment en vient-on à choisir un métier que tout le monde, ou presque, a oublié ? « Par hasard » répond-il avec malice. Alors âgé d’une vingtaine d’années, Simon Charbonnier habite en Corse et travaille dans la restauration pour vivre. Mais sa vocation n’est pas là. Un reportage diffusé à la télévision va changer sa vie : il découvre ce travail très spécifique et particulier du métal que l’on appelle la dinanderie. C’est une révélation pour lui. « J’ai toujours su que je voulais faire un métier manuel et artistique en même temps ».
Les professionnels des métiers d’art qu’il rencontre alors lui conseillent d’entreprendre une formation de chaudronnier-tôlier via l’AFPA, à Limoges. « C’était pour me dégrossir en quelques sortes. J’y ai appris les bases du dessin, de la soudure, à mettre en forme des plaques de métal. » Simon se met à la recherche d’un artisan qui lui transmette son savoir-faire. Un vrai parcours du combattant qui ne décourage cependant pas le jeune homme. Il finit par en dénicher un, en Corrèze : Jean Boisserie - qui exerce encore aujourd’hui à presque 90 ans ! A force de persuasion il réussit à le convaincre de le prendre comme apprenti. « Il me trouvait trop vieux pour apprendre ce métier - j’avais 24 ans ! Mais c’est là que je voulais aller : j’ai vite vu que c’est avec lui que je pourrai apprendre les techniques du métier » Pendant 2 ans et demi il y passe ses samedis et une partie de ses vacances.

 

Une bourse délivrée par la société d’encouragement des métiers d’art,

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arteaux acier

Il finit par décrocher une bourse délivrée par la société d’encouragement des métiers d’art, lui permettant de travailler chez lui à plein temps pendant 2 ans.  Une fois sa formation terminée, il arrive en Lot-et-Garonne pour le travail. En parallèle d’un emploi de chaudronnier, il ouvre un petit atelier de dinanderie à Penne d’Agenais. La faillite de l’entreprise pour laquelle il travaillait lui donne l’occasion de se lancer à plein temps dans sa passion. Il enchaîne les salons pour se faire connaître, se met à la ferronnerie - alors très en vogue - pour remplir ses carnets de commande. « Tout est une question de mode. La dinanderie ne l’était pas alors et le cuivre n’attirait pas les foules. » Pour contourner cet écueil, il se met à travailler l’étain que sa clientèle trouve plus moderne, même si sa préférence à lui va au cuivre. Avec le temps la renommée arrive, la part de dinanderie augmente dans ses commandes et les créations artistiques se multiplient.

 

Des baptistères aux vasques pour jets de luxe !

Son travail est loin d’être monotone. Entre la réalisation d’un autel pour l’église de Clairac et la réparation de fonds de cuve servant à fabriquer des dragées, on peine à discerner un point commun. C’est le travail du dinandier ! Son savoir-faire permet de répondre à de nombreuses sollicitations qu’il faille réaliser un baptistère, répondre aux exigences d’un designer ou façonner des vasques équipant des avions de luxe. Il reproduit même à l’identique certaines pièces historiques pour le compte de musées. Le dinandier évolue ainsi entre l’ultra moderne et l’ancien, en exerçant une profession d’une richesse extraordinaire. Mais c’est la création qui lui plaît le plus dans ce travail : « Imaginer une pièce, la dessiner et l’avoir ensuite entre ses mains procure une joie incroyable et une grande satisfaction. » Peut-être est-ce là que réside la clé de sa passion et de son désir de transmettre. Car même si l’heure de la retraite a sonné pour Simon Charbonnier, ses mains n’ont pas fini de dompter le métal et d’enseigner les subtilités de son métier à qui vient le solliciter.


 

Compagnon du Tour de France et timbre poste

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joséphine

Simon Charbonnier est dans le compagnonnage depuis plus de 40 ans. Il appartient à l’Union Compagnonnique du Tour de France. De 1978 à 1981, il a suivi, dans la Cayenne de Brive - la Maison des compagnons dans cette ville - des cours du soir de géométrie descriptive. L’aboutissement de la formation des Compagnons est la réalisation d’une oeuvre unique témoignant de la maîtrise de son art et qui, si elle est acceptée, permet à son créateur d’être reçu compagnon. 
Cette oeuvre, c’est ce que l’on appelle souvent, chez les non initiés, le chef-d’oeuvre. Les compagnons comme Simon, par modestie, préfèrent parler de travail de réception. Mais quel travail ! Simon Charbonnier a choisi de façonner le buste d’une femme noire, qu’il a baptisée Joséphine et qui lui a valu d’être reçu compagnon en 1992. Un travail d’une finesse incroyable réalisé en cuivre.
A noter  qu'en 2022, la Poste le contacte pour savoir s’il accepterait qu’une de ses réalisations soit utilisée pour une série de timbres poste consacrée aux métiers d’art. Il accepte. Sa carafe à eau est sélectionnée pour symboliser 
 

Un peu d’histoire…

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marteaux bois

Le nom de cette profession porte la marque de son origine, car le mot de dinandier a été tiré du nom de la ville de Dinant. C’est là, dans la vallée de la Meuse et tout particulièrement dans l’enceinte de cette cité que s’est développé ce savoir-faire. Dinant la belge, était réputée pour le travail du cuivre dès le XIIe siècle et regroupait de nombreux « batteurs de métal » ainsi qu’on les prénommait alors. Le métal qui était travaillé à l’époque était essentiellement du cuivre et du laiton. Le dinandier fabriquait des objets utilitaires tels que des chaudrons, bassines et aiguières, mais il savait déjà se faire artiste notamment lorsqu’il réalisait des commandes d’art sacré.

 

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