Joël Fourny interpelle le gouvernement : "Est-ce qu'on va nous laisser les moyens de maintenir les formations sur l'ensemble du territoire ?

, mis à jour le 14/10/2025 à 09h00
Image
fourny

Le Président de la Chambre de Métiers et de l'Artisanat, Joël Fourny est inquiet. Il nous confie que des CAP sont dans une situation difficile et que les choix budgétaires du gouvernement pourraient même sonner le glas de certaines formations. Rencontré il y a une dizaine de jours, Joël Fourny avait déjà préparé ses questions au nouveau gouvernement. Cela tombe bien, il a été nommé.  Voici donc un message de l'Artisanat à son nouveau Ministre

Partager sur

Zepros Artisans & Entrepreneurs : Comment va l’artisanat en France ?

Joël Fourny : La première entreprise de France est malade. Depuis la rentrée, nous avons des entreprises qui ont besoin urgent de visibilité, de stabilité, de simplicité. En fait, pour retrouver le chemin de la croissance, il faut redonner confiance aux entreprises. 


ZAE : Votre étude en septembre avait pourtant montré que 52 % étaient optimistes

JF : Oui mais ce sondage avait été réalisé avant l'été. Avec les turbulences politiques de la rentrée, les choses sont totalement différentes, nous passons à nouveau dans un trou noir  (…) Vous savez  depuis les crises successives du Covid, la flambée des coûts de l'énergie, des matières premières, les artisans font le dos rond mais à moment donné tout cela a aussi ses limites  

ZAE : Que manque-t-il aux artisans aujourd’hui ? Des moyens ?

JF :  Non ce n’est pas tant les moyens d’investir et de développer leurs entreprises qui leur manque que la confiance pour pouvoir se mettre en mode projet. Quand vous êtes artisan, que vous aviez des projets avant l’été, comme par exemple prendre un apprenti ou d'engager un collaborateur, ces investissements sont décalés par manque de visibilité.  Et pour cela encore faut-il avoir un gouvernement ? Et savoir quelle va être sa feuille de route, quelles annonces vont être faites sur la partie fiscalité, sur la partie sociale. Tout ce temps perdu d’investissement aura des conséquences sur l'avenir. Mais, pour autant,  avec un peu plus de perspectives, les choses pourraient reprendre.

 

Pas d'artisans manifestants dans les rues "pour ne pas mettre de l'huile sur le feu"

Image
fourny 2

ZAE : Est-ce qu'il y a une action que pourraient faire les artisans pour se faire connaître ? Manifester par exemple ?

JF : Non, ce n'est pas dans la culture de l'artisan  qui n'est pas du tout dans cette configuration-là. Il ne va pas aller aujourd'hui rajouter de l'huile sur le feu dans une période d’ incertitude. Il attend des résultats, des engagements forts. 
Plus tard, leurs décisions et leurs votes se feront en conséquence de ce qu'on a pu leur apporter comme solution. Il faut quand même être prudent car si on n'a pas pour habitude d'aller dans la rue, on a besoin d'être confortés, d'être accompagnés, d'être soutenus.

ZAE : Mais concrètement, qu’attendez-vous d’un éventuel gouvernement ?

JF : ... de vraies décisions qui permettront à notre réseau consulaire de maintenir son activité sur l'ensemble du territoire national. Il faut absolument que les élus prennent conscience que c'est une filière extrêmement fragile si on n'y prête pas attention un minimum.

ZAE : Quelles seraient vos premières demandes formulées au nouveau ministre responsable de l’artisanat ou au premier ministre ?

JF :  A l’heure où on remet en cause l’existence même des réseaux consulaires, il faut que l'État décide de nous laisser les moyens nécessaires de pouvoir assumer notre mission sur l'ensemble du territoire national.  Les chambres consulaires, ont une mission d'accompagnement des artisans sur l'ensemble du territoire et nous allons défendre la possibilité de pouvoir se maintenir au plus près des entreprises pour continuer à apporter un soutien particulier à toutes les étapes : au moment de la création,  de la transformation,  du développement de l'entreprise jusqu'à sa transmission. Nous sommes aussi très engagés sur la formation initiale au travers de la formation par apprentissage et sur la formation continue.  Avec 147 centres de formation sur l'ensemble du niveau national qui forme 112 000 jeunes chaque année.  

Est-ce qu'on va nous laisser les moyens et les enveloppes budgétaires nécessaires pour pouvoir être capable de maintenir l'offre de formation sur l'ensemble du territoire en fonction du besoin et de l'attente des entreprises artisanales ? Je vais demander au Premier ministre et au gouvernement qui va être mis en place de pouvoir nous donner des réponses par rapport à cela.

ZAE : Est-ce que l’apprentissage ou la formation au sens large sont si en danger que cela aujourd'hui ?

JF : Oui, car il y a un milliard de moins dans la prévision du Projet de loi de finances (PLF) 2026, concernant la formation sans savoir ce qui va être une remise en cause … le montant de financement par formation ? Les aides aux entreprises qui s'engagent dans le cadre de l'apprentissage ? Nous avons besoin d'avoir aussi une visibilité pour être clair avec les entreprises artisanales. Si, par exemple, on leur confirme qu'ils garderont les 5 000 euros à chaque fois qu'ils engageront un apprenti, nous pourrons les inciter à s'engager sur la formation initiale. 

ZAE : Quels est l’enjeu de leur réponse, quelle sera la conséquence ?

JF : En cas de remise en cause sur le montant de prise en charge par formation, nous devrons faire des choix de rationalisation en regroupant les formations peut-être sur des centres régionaux avec donc moins de proximité ce qui serait dommageable, puisque pour répondre directement aux besoins et être cohérents il faut aller au plus près des jeunes, mais aussi des entreprises. Si nous avons la possibilité d'avoir des financements qui soient capables d'assurer la rentabilité de nos formations, nous maintiendrons tous les outils de formation et toute l'offre sur l'ensemble du territoire national.

ZAE : Concernant ce milliard de moins dans le PLF 2026, existe-t-il encore des marges de manoeuvres

JF : Tout cela va se discuter, bien sûr,  et selon les votes du budget  les économies seront réparties sur chacune des enveloppes.

 

 

On pourrait ne pas maintenir des CAP dans certains territoires

ZAE : Est-ce qu’en conséquences certaines formations pourraient être remise en cause ?

JF : Oui on a déjà alerté le gouvernement qu'on était dans une situation un peu critique au niveau d'un certain nombre de formations, notamment sur une vingtaine de CAP   avec un risque qu'on ne puisse pas maintenir des CAP dans certains territoires alors que nous sommes censés assurer la continuité des savoir-faire et permettre de former des jeunes pour répondre aux besoins de main-d'oeuvre des entreprises artisanales. Sans oublier l’engagement par rapport aux nouvelles générations à leur proposer des formations correspondant à leurs attentes et pour leur donner une perspective professionnelle.

ZAE : Là, d'un point de vue, social et fiscal , Michel Picon, Président de l’U2P a été très ferme pour se distinguer des attentes du Medef et des grandes entreprises et il a par ailleurs donné la piste de la suppression de la CSG pour faire gagner aux salariés  jusqu’à 10% de pouvoir d'achat, etc. Qu’en pensez-vous ?

Image
fourny3

JF : Sur ce point, en tant que Président de la CMA je laisse bien évidemment la main aux organisations professionnelles, ce n’est pas nôtre rôle d’intervenir sur les sujets sociaux et fiscaux.  Mais en tant qu’adhérent à l’U2P,  je peux vous dire ne suis pas très éloigné des propositions faites pas Michel Picon sur la CSG et  totalement en accord et en phase quand il demande de ne pas traiter une entreprise de proximité de la même manière qu'une entreprise du CAC 40. 

ZAE : Vous êtes le Président du centenaire des CMA,  des CMA avec une histoire jalonnée de combats et de progrès. En quoi la Chambre des Métiers va aider les artisans dans les années à venir ?

JF : Notre devoir est de faciliter la vie des dirigeants face aux mutations écologiques, économiques, numérique ou autre… Vous savez, un artisan est d'abord un homme de métier qui a quelquefois beaucoup de casquettes sur la tête sans toujours avoir la possibilité de suivre chaque évolution pourtant nécessaire à l'avenir de son entreprise. 

ZAE : C’est le cas actuellement de l’Intelligence artificielle qu’on peut avoir du mal à appréhender

JF : Bien sûr, je pense que les artisans sont tous interrogatifs sur l’IA et se demandent comment faire évoluer leur entreprise  au gré de cette évolution technologique pour l'avenir de son entreprise. Et nous faisons en sorte d'avoir une offre de service capable de les accompagner … Cela va se traduire par des offres de formation, des réunions d'informations avant de passer à la phase opérationnelle comme nous le faisons déjà pour les questions de crise énergétique ou de développement durable

 

Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire